Contrats de retraite à prestations définies : décryptage

Avant la réforme de la loi PACTE du 22 mai 2019, les contrats de retraite à prestations définies, dits de « retraite chapeau », dépendaient de la présence du bénéficiaire dans l’entreprise au moment de son départ à la retraite. 

Ce n’est plus le cas désormais suite à la réforme : tous les droits accumulés sont acquis. Décryptage du nouveau régime de retraite à prestations définies à l’aide des invités de notre nouvelle émission Le temps de comprendre, WebTV en co-production avec le cabinet d’actuaires Galéa.

Un changement de régime suite à la Loi PACTE

Les contrats de retraite à prestation définie relèvent de l’article 39 du Code Général des Impôts (CGI). Il s’agit de contrats collectifs, s’adressant aux salariés mais également aux mandataires sociaux. Avant la loi PACTE, le salarié ou dirigeant bénéficiaire devait être présent dans l’entreprise au moment de son départ à la retraite pour bénéficier du contrat mis en place.

Suite à l’application de la loi PACTE, tous les droits accumulés avec un contrat dit « article 39 » ou « contrat 39 » sont acquis, il n’y a donc plus besoin d’être dans l’entreprise au moment du départ à la retraite. Invitée de l’émission Le temps de comprendre, l’avocate Florence Duprat-Cerri, Responsable du département Retraite Prévoyance au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, confirme qu’il s’agit du changement majeur de la réforme : « ce régime garantit désormais des droits certains et non plus conditionnels. Le bénéficiaire a des droits et même s’il quitte l’entreprise, il les garde. »

Le bénéficiaire touchera ainsi lors de son départ en retraite une rente viagère, garantie par l’employeur : « une personne rémunérée à 100 000 € annuels, acquérant par exemple chaque année une rente à hauteur de 1% de son salaire, percevra ainsi une rente annuelle de 1000€ au moment du son départ à la retraite. »

En revanche, un salarié ne pourra cumuler des droits qu’à partir de sa date d’affiliation au contrat de l’entreprise : le rachat d’années n’est donc plus possible.

Comment mettre en place un contrat article 39 ?

Il s’agit d’un contrat de fonds collectifs : c’est donc l’entreprise qui peut le mettre en œuvre selon 3 types de procédures : un accord collectif, un référendum ou une décision unilatérale de l’employeur. « Dans la majorité des cas, il s’agit d’une décision unilatérale de l’employeur, commente Florence Duprat-Cerri. A ce sujet, les assureurs communiquent généralement des modèles. Il est donc relativement simple d’y souscrire pour une TPE-PME, même si évidemment, l’assistance d’un conseil est requise pour renseigner et vérifier un certain nombre de points. »

Quels sont les points de vigilance à retenir ?

Nos experts invités en plateau ont relevé quatre points à vérifier en particulier.

  • La définition de la catégorie, même si Florence Duprat-Cerri confirme que le nouveau régime fait preuve sur ce point de « beaucoup plus de souplesse qu’un Plan Epargne Retraite Obligatoire (PERO) ».
  • Le montant des droits : « les droits à rente des bénéficiaires seront plafonnés à 3% de leur rémunération annuelle, ce qui nécessite un peu d’expertise. Il serait peu pertinent par exemple de mettre à 3% tout de suite un jeune dirigeant. »
  • Autre limite, la rente ne peut dépasser 30 points de salaire toutes entreprises confondues : « or l’assureur ne peut s’engager à suivre ce seuil, c’est donc à l’entreprise de le faire. Les conseils de l’entreprise ont donc un rôle important à la mise en place du régime mais aussi en matière de suivi », précise Arnaud Le Saint, autre invité du Temps de comprendre et Directeur Marketing de Pack Solutions.
  • Enfin certains bénéficiaires seront soumis à des conditions de performances : les salariés bénéficiant d’une rémunération dépassant 8 plafonds de la Sécurité Sociale (environ 330 000 € annuels), ainsi que l’ensemble des dirigeants et mandataires sociaux. « Mais ce point n’est pas très compliqué, nous avons l’habitude, rassure Florence Duprat-Cerri. Cela constituera un élément de motivation très important pour le bénéficiaire puisque ses droits de l’année seront conditionnés à ses performances. Or si le bénéficiaire est motivé, sa performance aura un impact sur le résultat global de l’entreprise. »

Comment ces contrats sont financés par les entreprises ?

Le Président de Galéa Norbert Gautron confirme que le financement des contrats est « entièrement assuré par l’entreprise, il s’agit d’un engagement clairement explicité. » Il admet une « possibilité de sécurisation totale ou partielle des contrats, de la part des entreprises, auprès d’un assureur. Pour autant, l’engagement de l’employeur demeure. »

Arnaud Le Saint précise qu’il s’agit ici « d’une mécanique classique d’appel de cotisations, à hauteur en principe de 80%. Au moment du départ en retraite du bénéficiaire, un appel complémentaire sera émis si besoin pour s’assurer que l’entreprise finance à 100% le dispositif. » Il en conclut ainsi que le nouveau régime offre « une meilleure garantie de couverture puisque sous l’ancien régime, le financement pouvait parfois se faire au dernier moment. »

Quel régime social et fiscal ?

Florence Duprat-Cerri vante la simplicité du dispositif. Concernant les primes d’assurance, « l’entreprise devra s’acquitter d’une contribution de 29,7% sur les primes qu’elle versera à l’assureur. Ces primes sont déductibles du résultat imposable de la société. »

Du côté des bénéficiaires, elle juge le dispositif « particulièrement intéressant, le bénéficiaire ne payant aucun impôt ni charge sociale avant la retraite. A la retraite, sur la rente, il s’acquittera des prélèvements sociaux à hauteur de 10,1%, complétés par une contribution spécifique de 14%. Mais cette contribution existait déjà sur les anciens régimes chapeaux. » Les prélèvements sociaux sur la rente s’élèveront donc à 24,1% pour le bénéficiaire. Concernant la fiscalité, les rentes seront fiscalisées en tant que pension de retraite, dans les conditions de droit commun des rentes acquises à titre gratuit.

Contrat 39 versus contrat 82 ?

Prévu par l’article 82 du CGI et lui aussi mis en place par les entreprises au profit de leurs salariés, le contrat « article 82 » ou « contrat en sursalaire » permet aussi de toucher un complément de revenu au moment du départ en retraite. Pourtant, nos trois intervenants tranchent clairement la question au profit du contrat article 39.

« Clairement, le contrat 82 n’est pas un régime de retraite. Le nouveau contrat 39 est le seul dispositif permettant de servir des rentes de retraite aux gens, à la fois simple et efficace », estime Norbert Gautron.

En effet, « le contrat 82 est un contrat de capitalisation d’assurance vie, c’est donc une rente à titre onéreux, ne bénéficiant pas du régime fiscal de la retraite. En outre, le 82 est davantage prévu pour une sortie en capital qu’une sortie en rente, » ajoute Arnaud Le Saint.

« Le contrat 82 a l’avantage d’avoir certaines charges sociales plafonnées, au-delà d’un certain niveau. Il est en revanche entièrement fiscalisé, le bénéficiaire devant payer tout de suite de l’impôt sur les primes alors qu’il n’a pas encore touché sa rente. Sachant qu’en toute logique, le taux marginal d’imposition est plus élevé pour un actif qu’un retraité : cet élément fait une grosse différence avec le contrat 39, » tranche ainsi Florence Duprat-Cerri.

Un produit efficace, y compris pour les PME et TPE

Florence Duprat-Cerri tient à préciser que ces contrats ne sont absolument pas réservés aux grandes entreprises, « ils sont même plus faciles à mettre en œuvre dans les TPE et PME qui ont moins de contraintes d’un point de vue gouvernance corporate. » Surtout que pour des hauts salaires au-delà de 200 000 €, « aucun autre produit ne permet de constituer un niveau de retraite sur une durée brève en adéquation avec ce revenu. »

Norbert Gautron abonde dans ce sens en précisant que « cette retraite étant financée par l’entreprise, cela baissera un peu la valeur de la société. En conséquence, les futurs actionnaires pourront investir un peu plus bas et tout le monde sera satisfait. »

Maintenant que le cadre juridique de ce nouveau dispositif est stabilisé et opérationnel, il ne reste plus qu’à chacun de jouer le jeu, à entendre Florence Duprat-Cerri : « le marché est en place, les assureurs sont prêts, les distributeurs et les conseils des entreprises n’ont plus qu’à jouer leur rôle pour faire fonctionner ce nouveau régime. »

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Une co-production Vovoxx/Galéa

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