Stéphane Dedeyan et la transformation de l’assurance

Si la transformation d’une entreprise ou d’un secteur est possible grâce au collectif, la transformation reste souvent incarnée ou impulsée par une dirigeant. Stéphane Dedeyan répond à nos quelques questions.

La transformation de l’entreprise est probablement assez protéïforme. Il peut s’agir de la transformation de sa gouvernance ou de son organisation, de son rôle sociétal et environnemental, de la dimension produit et servicielle, des systèmes d’information et de l’intégration des nouvelles technologies, de la distribution et la relation clients, de la mutation/hybridation des compétences, du modèle économique,… . Dans notre secteur « se transformer », selon vous est-ce seulement changer, évoluer, s’adapter, ou devenir autre chose, devenir autre ? Pour vous la transformation d’une entreprise est-elle un processus fini et planifiable, ou un mouvement perpétuel ?

La transformation d’une entreprise est effectivement protéiforme par nature. En effet, il s’agit d’un processus qui demande beaucoup de rigueur, de constance et surtout de cohérence. Il faut s’attaquer de façon extrêmement coordonnée à l’ensemble des composants du système, en montrant le sens de ces réformes multiples et quasi simultanées :

  • Clarification de la mission de l’entreprise et de sa stratégie, déclinées dans un Business Model :
    • clientèles cibles, expérience (produit+services+parcours) proposée à ces cibles, système de distribution
    • macro-réglage de la double équation :
      • économique (investissements en compétences et en IT/Digital, profits pour les rentabiliser)
      • de performance extra financière (mesure des externalités positives, nettes des externalités négatives)
  • Identification des principaux changements à observer (de la part des clients, des distributeurs, des équipes, de chaque collaborateur) et qui permettront de savoir que nous sommes sur le bon chemin
  • Définition des états d’esprit et comportements collectifs et individuels qui vont permettre d’obtenir ces changements
  • Fixation de ce que l’on attend des managers pour permettre l’adoption de ces états d’esprits et comportements (de quoi doivent-ils être garants vis-vis des équipes ?)
  • Ajustement de l’organisation (le squelette) et de la gouvernance (le système nerveux) pour piloter le processus.

Dans ce cadre, toute transformation d’une entreprise embarque une composante de changement, d’évolution, d’adaptation à un environnement mouvant, qui la fait tendre vers une cible par nature différente de l’existant. Là où cela se complique, c’est que cette cible doit être elle-même réajustée en permanence compte-tenu de l’environnement particulièrement mouvant dans lequel nous évoluons. Cette capacité d’adaptation permanente doit faire partie de l’identité de l’entreprise pour qu’elle puisse survivre de façon durable.
Dans l’esprit de Paul Ricoeur, nous pourrions parler ici de la composante « ipse » de son identité. Pour autant, pour que la transformation soit possible (acceptable et réaliste), elle doit s’appuyer sur un socle immuable, un ADN, qui caractérise à la fois la singularité des compétences de l’entreprise et sa raison d’être. Toujours dans l’esprit de Ricoeur, on pourrait parler de la composante « idem » de son identité. C’est l’assemblage de l’idem et de l’ipse qui fait l’identité complète de l’entreprise. A la fois sa singularité et sa capacité à maintenir cette différence compétitive dans un environnement sans cesse changeant.
Ces principes, valables pour toutes les entreprises, s’appliquent a fortiori aux entreprises d’assurance. Mais il me semble qu’ils s’appliquent avec encore plus de force. En effet, pour moi l’assurance est un reflet de la vie toute entière, puisqu’au fond «  vivre, c’est risquer ». Pas une évolution majeure n’échappe à sa capture par notre industrie. Pandémies, cyberattaques, catastrophes naturelles sont les reflets des transformations à l’œuvre dans le monde. L’assurance doit s’y adapter non seulement dans son fonctionnement en tant qu’entreprise, mais aussi au coeur même de son métier : l’identification des risques et l’évaluation de leur prix.

Vous faites partie des 50 transformers* du secteur de l’assurance. Les professionnels ont probablement signifié votre capacité à porter des convictions, donner de nouvelles directions, à initier/piloter des transformations, à incarner le mouvement … . D’un point de vue professionnel, quels sont les ingrédients indispensables à la transformation d’une entreprise du secteur de l’assurance ?

Plus spécifiquement dans notre industrie, je voudrais insister sur la composante « expérience » du Business Model. En effet, notre industrie souffre structurellement d’un déficit d’image. Il y a un écart énorme entre son utilité économique réelle (permettre aux individus de prendre des risques, donc de vivre ; financer l’économie) et son utilité perçue (« assureurs voleurs »). Pour moi, ce hiatus vient du fait que nous nous présentons comme des entreprises qui proposent des contrats, qui actionnent des garanties en cas d’aléa de la vie et qui acheminent une somme d’argent sur le compte bancaire de l’assuré en lui disant « voilà l’argent pour régler toi-même ton problème ». Cela nous enferme dans une logique juridique et actuarielle que nous sommes les seuls à comprendre. Dès lors pourquoi s’étonner de notre déficit d’image ?
Avant même de s’attaquer à la digitalisation des processus via l’intelligence artificielle, efforçons-nous de rendre les choses simples et concrètes en généralisant le règlement des sinistres en nature : face à un aléa de vie, cherchons à apporter la solution concrète qui résout le problème de notre client, le financement de cette solution étant apporté par un mécanisme technique de solvabilisation qui s’appelle l’assurance.
Dans ma vision, la vraie transformation de notre industrie serait que quand le risque garanti se réalise, l’assurance s’efface devant le service, l’apport de solutions concrètes. Et face à des aléas de vie par nature instantanés et très émotionnels, que le mécanisme technique s’efface devant la relation client et la compréhension de son besoin personnel ‘ici et maintenant’.

Pour conclure ?

L’assistance généralisée est l’avenir de l’assurance !

Réalisé le 09/04/2021 – Jean-Luc GambeyVovoxx
Stéphane Dedeyan est dans la communauté des 50 “Transformers” de l’Assurance.

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