"La santé est un bien commun"

Dans un contexte d’évolution et de transformation de l’assurance, Carte Blanche Partenaires a souhaité mettre en perspective les convictions de dirigeants/décideurs du secteur, sur l’évolution de la complémentaire santé. Nous avons ici le témoignage*, dans le cadre de l’ouvrage** récemment réalisé « Dessine-moi une complémentaire santé », de Djamel Souami, Président de l’UDAP – CFE-CGC, administrateur de L’UNOCAM, Administrateur de MALAKOFF HUMANIS, Directeur Associé de MICROPOLE, ancien Président du CTIP.
« Mal nommer les choses c’est ajouter aux malheurs de ce monde » disait Albert Camus. Alors, de quoi parle-t-on ? d’organismes complémentaires ou d’assureurs ? de maladie ou de santé ? Selon la perspective prise, selon sa vision de la société, selon son contexte d’exercice, selon ses convictions politiques…  on verra l’un ou l’autre.
Mais commençons déjà par poser quelques chiffres, non pas que ce soit essentiel mais il est souvent utile de pouvoir objectiver. La consommation de soins et de biens médicaux en France est +200 Md€ (CSBM 2018, hors impact Covid-19 et hors « Ségur de la Santé »), soit environ 3 K€/an en moyenne par personne. Les cotisations des complémentaires santé, quant à elles, atteignent +38 Md€ HT, réparties à parts égales entre assurances individuelles et collectives. À ces chiffres, nous nous devons d’ajouter la Prévoyance (+22 Md€), qui concoure du même continuum, bien que traitée distinctement dans notre système. L’incapacité de travail, l’invalidité ou le décès ne sont-ils pas des « problèmes de santé » ?
Vision « Complémentaires maladie », nos fameux Organismes Complémentaires d’Assurance Maladie (OCAM). La Sécurité sociale ne pouvant tout couvrir, il a été ouvert le champ à des « organismes », dont la vocation serait de financer ce que la sécu ne peut pas – plus ? – prendre en charge. En effet, si la santé n’a pas de prix, elle a toujours un coût – un investissement d’avenir selon une étude récente de McKinsey, vision positive à laquelle j’adhère – qui requière des ressources financières conséquentes. Avec le vieillissement de la population, l’augmentation du coût des pathologies, l’innovation des laboratoires pharmaceutiques, dont certains traitements atteignent des prix vertigineux – l’Hépatite C se soigne désormais, mais à quel prix –, auxquels viennent désormais s’ajouter les questions éthiques et philosophiques de la fin de vie, notre système de santé universel de 1945 approche ses limites. On a donc besoin d’OCAM. Au passage, on peut les taxer pour financer les dispositifs solidaires supplémentaires (type CSS), voire les crises conjoncturelles, comme c’est envisagé pour la Covid-19. La TSA – 13,27 % des cotisations santé, 1,75 % à sa création en 1999 – génère ainsi tous les ans 5 Md€ de ressources, dont 3 Md€ alimentent le Fonds CSS, le reste étant versé au financement général de la sécurité sociale.
Vision « Assureurs santé ». J’affirme déjà qu’assureur est un très beau métier : protéger, accompagner et préparer à un avenir meilleur. Un véritable créateur de confiance. Les assureurs sont des acteurs privés, soumis à Solvabilité 2, qui garantissent que les engagements pris seront tenus dans le temps, par des fonds propres suffisants, une saine gouvernance et la transparence de leur communication. La mutualisation des risques assurant quant à elle l’équilibre actuariel. Ils opèrent dans un marché ouvert, leurs obligations étant définies par un contrat traçant leurs engagements, vis-à-vis des assurés/adhérents/sociétaires dans le cas des contrats individuels, et des bénéficiaires, pour les contrats collectifs. Notons au passage qu’avec 473 assureurs santé actifs à fin 2019 (données Fonds CSS), nous sommes dans un marché à forte intensité concurrentielle.
Responsable syndical CFE-CGC, engagé dans la protection sociale à gouvernance paritaire, personne ne s’offusquera que je développe une vision davantage orientée sur les complémentaires collectives. Je ne prétends nullement détenir la vérité, encore moins exclure du champ de la réflexion la complémentaire santé individuelle, qui a toute sa place dans notre système de santé. Et bien qu’ayant été moi-même administrateur mutualiste quelques années, je sais pertinemment que d’autres seront bien mieux inspirés que moi, et plus légitimes, pour porter la vision sur la complémentaire santé individuelle dans cet ouvrage.
La santé est un bien commun. Et s’il y a un lieu où la santé est une valeur partagée et un sujet de consensus entre les acteurs, c’est bien l’entreprise. L’entreprise est un territoire de santé. Mais l’entreprise est également un lieu de création de richesses économiques et de lien social. Alors, quand les assureurs, au premier rang desquels les groupes paritaires, agissent pour une meilleure santé physique et psychique des salariés, ils apportent de fait une contribution positive au bien-être et à la dignité de chacun, à l’harmonie des familles, et in fine au développement économique et à la cohésion sociale.
Dans sa constitution, l’OMS définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et pas seulement une absence de maladie ou d’infirmité ». En partant de cette définition et en posant comme postulat que notre santé est le résultat de nos déterminants génétiques et biologiques, de notre environnement, de nos conditions de travail et de notre hygiène de vie, ma « complémentaire santé à moi » serait une entreprise d’assurance de plein exercice, qui œuvrerait à un impact global, pour les personnes qu’elle protège, pour les entreprises qui les emploient et au-delà pour la société.
Le statut ne faisant pas la vertu, ses missions reposeraient sur 5 fondements :
Une vocation sanitaire. Prise en charge des frais de soins et des pertes de revenus pour les risques lourds. Accompagnement des malades via des parcours de soin personnalisés, en articulant médecine libérale, hôpital et centres de soins privés. Mais ne pas se limiter au « cure », donc accompagner également les bien-portants dans la prévention, afin que chacun puisse être acteur de la préservation de sa santé. La prévention érigée en cause nationale ! Comme cela a été fait au cœur de la crise du Covid-19 avec des actions facilement réalisables, aussi simples que « se laver les mains ». Une démarche qui sera d’autant plus efficace qu’elle s’articulera avec le dialogue social au sein des entreprises et des branches.
Un équilibre économique durable. La contribution première de tout assureur, s’appuyant sur la mutualisation du risque, est de « solvabiliser », permettant ainsi l’accès aux soins au plus grand nombre. Pour les complémentaires collectives, l’équilibre économique n’est possible qu’en lien avec les entreprises clientes, dans une relation de confiance durable et réciproquement bénéfique. Tout comme pour le pilier sanitaire, la prévention peut être et doit être solvabilisée.
Mais rendre la santé davantage accessible passe aussi par la maîtrise des coûts, de distribution, de gestion et de « production » (soins et biens médicaux). Ce qui se déclinerait par des synergies commerciales et industrielles, en amont, et un conventionnement des fournisseurs des biens médicaux en aval (mais pas de conventionnement des prescripteurs, l’exercice libéral de la médecine « de ville » restant la référence).
Un engagement social. Déjà, au sein de l’entreprise d’assurance : gouvernance participative (incluant les souscripteurs, les bénéficiaires et les représentant des salariés), lucrativité limitée, recrutement à l’image de la société, formation continue, valorisation des talents et responsabilisation individuelle. Ensuite, au sein des entreprises clientes : promotion du dialogue social par l’apport de leviers sur la protection sociale collective, veille active sur les fragilités, proactivité et accompagnements ciblés. L’accompagnement des salariés et de leurs familles visera tout particulièrement l’accès à l’emploi (handicap, 2° chance…), le retour à l’emploi après une longue maladie, mais aussi le soutien des proches aidants, acteurs essentiels de l’Autonomie. Enfin, l’action sociale, structurée et pilotée comme un vrai métier au service de la raison d’être, qui permet de résoudre les problèmes particuliers d’individus ou de groupes d’individus, qui ne le seraient pas avec des mécanismes d’indemnisation strictement contractuels.
Un impact sociétal. Répondre aux besoins de santé et de prévoyance ne suffira plus. Il faudra intégrer la formation, le logement, la longévité, les changements des modes de travail, les risques environnementaux, sanitaires et climatiques. Soutien au tissu associatif, à la recherche et aux acteurs économiques œuvrant
à la réduction des inégalités de santé au sens de l’OMS. Actions de sensibilisation au risque santé et à la responsabilisation individuelle en matière de santé. Actions de pédagogie auprès des entreprises (employeurs et salariés), des écoles, des chercheurs, des élus locaux, des partenaires sociaux, des professionnels de santé, et de tous les relais potentiels pour une meilleure santé globale.
Enfin, l’Innovation comme principe fondamental et moteur de progrès. Innovation technologique bien sûr, pour l’expérience client, les self-diagnostics, la téléconsultation, les programmes de prévention personnalisés, … ou encore l’exploitation et la valorisation des données. À ce sujet, dans le plus strict respect de la vie privée des personnes, je crois que le Health Data Hub (plateforme des données de santé mise en place par le gouvernement français) est porteur de grands espoirs et qu’il peut être un formidable accélérateur du progrès en santé. Egalement de l’innovation ex-nihilo, comme l’ont fait les partenaires sociaux voilà 75 ans en créant les institutions de prévoyance avec mission de créer et gérer les « services » innovants qu’étaient alors la retraite complémentaire et la prévoyance. Mais l’innovation peut aussi passer par des partenariats. Partenariats public-privé. Partenariats avec des entreprises aux activités complémentaires ; je pense notamment à Arcade–VYV reliant santé et logement. Partenariats avec des start-ups, à l’image de CetteFamille.com, qui propose des solutions personnalisées de prise en charge des personnes âgées et handicapées, alternatives aux maisons de retraite et résidences services, soutenue par le fonds d’innovation Malakoff Humanis. Ou encore des partenariats tripartites entre professionnels de santé, assureurs et branches, à l’instar de l’accord de prévention Klésia-CSMF de 2018 pour les 600.000 salariés de la branche Transports.
Chacun de ces fondements mériterait de plus amples développements, je le concède, mais je crois qu’on a dessiné là les plans de ma « complémentaire santé ».
Un commencement !
*Réalisé lors du 1er semestre 2020
**Co-production Carte Blanche Partenaires / L’assurance en MouvementVovoxx

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